Jeux vidéos et cyberféminismes

De FunWiki

Un jeu textuel pionnier : La femme qui ne supportait pas les ordinateurs (1984)

La Femme qui ne supportait pas les ordinateurs est une fiction interactive, publiée par Froggy Software sur Apple II en 1986. Le jeu fut écrit par Chine Lanzmann (sous le pseudonyme de "Chine"), et programmé par Jean-Louis Le Breton, fondateur de Froggy Software. La couverture fut dessinée par Jean Solé.

Ce jeu est une des premières œuvres de fiction interactive de France à avoir été réalisée par une femme. Par ailleurs, il est considéré comme étant un des premiers jeux vidéo à aborder la thématique du cyberharcèlement genré, et de l'expérience plus actuelle des femmes sur les réseaux sociaux.

La femme qui ne supportait pas les ordinateurs.jpg

Le jeu se déroule sur le réseau Calvados, réseau fréquenté par les deux auteurs du jeu à l'époque. Il imite son interface et ses services (messages entre utilisateurs, salon de messagerie instantanée globale, dépêches AFP, etc.), comme si le micro-ordinateur du joueur y était connecté. On croise aussi, dans un salon de Messagerie instantanée, les pseudonymes des habitués du réseau à l'époque (« Lumbroglio » pour Lionel Lumbroso, « Chine » pour Chine Lanzmann, « Pepe Louis » pour le fondateur de Froggy Software Jean-Louis Le Breton, « Benv » pour François Benveniste, etc.).

Dans le jeu, le joueur incarne une femme sur le réseau Calvados, qui doit repousser les avances de nombreux personnages, dont l'ordinateur, Ordine, prêt à tout pour être le seul prétendant. Le jeu est entièrement textuel, et l'interaction du joueur se fait en répondant aux questions par « oui » ou « non ». Il y a 6 fins possibles. La Femme qui ne supportait pas les ordinateurs est un jeu qualifié de "contreculturel" en raison de son aspect autoréférentiel. Le jeu se fonde sur l'expérience de modération même de ses développeuses et développeurs qui, en outre, apparaissent dans la diégèse.

Critique de La femme qui ne supportait pas les ordinateurs.jpg

En évoquant les difficultés sociales des femmes sur internet, Chine Lanzmann met en scène sans en avoir la sémantique à l'époque, ce qu'on appelle aujourd'hui le "cyberharcèlement genré". Elle est une des pionnières de ces questionnements, qui trouveront leur apogée avec les phénomènes de Balance ton Hashtag (Me too, Balance ton école d'art, Inceste, Précarité menstruelle...) sur les réseaux sociaux. Chine amène avec humour l'idée d'une violence systémique qui s'incarne dans le personnage de l'ordinateur pervers, faisant obstacle à l'utilisation par les femmes des outils de communication numériques.


Sources :

  • Wikipedia : https://www.wikiwand.com/fr/La_femme_qui_ne_supportait_pas_les_ordinateurs
  • Fiction Interactive : http://www.fiction-interactive.fr/la-femme-qui-ne-supportait-pas-les-ordinateurs/
  • JANKOWSKY, Filip, The Presence of Female Designers in French Video Game Industry, 1985–1993, 2019.

Pour une féminisation du développement de jeux vidéos

Chiffres sexistes de l'industrie du jeu vidéo et constat

L'association Women in Games, fondée en 2009 en Angleterre, veille à la représentation des femmes dans l'industrie du jeu vidéo. Ses adhérentes évoquent, en prenant compte des rapports du Baromètre annuel du jeu vidéo, une féminisation croissante, bien que minoritaire, des emplois du secteur vidéoludique. Les chiffres cités sur le site de l'association sont les suivants :

« Women in Games is a not for profit organisation founded in 2009 when women numbered only 6% of the Games Industry workforce. In 2020 we have a global average statistic of 22%. In a recent survey of the global top 15 Games Companies, only 16% of women are represented in the executive teams. The number of women working in any role or competing in esports is around 5% or 1 in 20. Yet approximately 50% of players globally are women, so we still have a long way to go in achieving a representative games and esports industry and better understanding on how to do that. »

Women in Games décrit une augmentation du nombre de postes occupées par des femmes (6% en 2009, contre 22% en 2020). Cependant celles-ci restent minoritaires au sein des grandes entreprises de création de jeux-vidéo. Elles notent également dans ce rapport l'absence des femmes des postes à responsabilité (16% des femmes sont représentées dans les équipes de directions des 16 plus grandes entreprises de jeu vidéo) et des compétitions de e-sport à haut niveau (5% des femmes travaillent ou concourent à des évènements de e-sport). Les statistiques sont alarmantes dans la mesure où environ 50% des joueurs sont des joueuses. Women in games.png

Actions vers une féminisation des cultures vidéoludiques en France

Women in Games France, fondé en 2017 par la développeuse et activiste Audrey Leprince, a pour mission de "promouvoir la mixité dans l'industrie du jeu vidéo française". En menant des actions de sensibilisation concernant la place des femmes dans le secteur numérique et vidéoludique en France, elles fabriquent un réseau d'entraide entre femmes développeuses, ingénieures et joueuses e-sport. Audrey Leprince évoque cependant une difficulté à mobiliser les actrices du secteur :

« Nous sommes face à un double problème : il n’y a pas suffisamment de femmes dans le développement, mais elles sont aussi difficiles à mobiliser. C’est pour cette raison que nous avons commencé par créer un annuaire de femmes volontaires pour intervenir dans les conférences, lors d’interviews ou même dans les écoles de jeu vidéo, dans le but d’inspirer celles qui souhaiteraient faire carrière dans notre secteur. Mais nous voulons aussi créer un cadre bienveillant et motivant pour toutes celles qui hésitent encore, mieux comprendre leurs freins pour contribuer à les lever. »

Combattre les stéréotypes sexistes

Sources :

  • JANKOWSKY, Filip, The Presence of Female Designers in French Video Game Industry, 1985–1993, 2019.
  • Women in Games : https://www.womeningames.org/
  • Women in Games France : https://womeningamesfrance.org/
  • Women in Games France sur France Culture : https://www.franceculture.fr/numerique/des-femmes-font-bouger-les-choses-dans-lindustrie-du-jeu-video-et-prouvent-que-nous-y-avons-notre
  • Baromètre annuel du jeu vidéo : http://snjv.org/publications/
  • https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/11/01/il-n-y-a-pas-d-egalite-hommes-femmes-dans-l-industrie-du-jeu-video_4800946_4408996.html
  • https://www.numerama.com/tech/289096-comment-lassociation-women-in-games-veut-promouvoir-la-mixite-dans-le-jeu-video-francais.html